Une voix charmeuse qui brise le silence

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Seán McLaughlin

John Campbell Shairp, étudiant à Oxford au début des années 1840 se souvient de l’effet que produisaient sur lui les sermons hebdomadaires de Newman à l’Eglise de l’Université : « […] aucun ne pénétrait l’âme comme les siens ». En évoquant le départ de Newman de la chaire de St Mary, Shairp le compare à « une grande cloche sonnant solennellement au-dessus de nos têtes et devenue soudain silencieuse. » Les sermons de Newman confirment indubitablement l’immense production théologique de l’érudit d’Oxford et de l’homme de Dieu et sont reconnus à juste titre comme un des plus beaux exemples de la spiritualité anglaise.

L’ensemble des sermons anglicans de Newman constitue trois recueils substantiels : les sermons paroissiaux, Les sermons universitaires, et Sermons sur des questions d’actualité. Ses œuvres les plus populaires furent sans aucun doute Les sermons paroissiaux, dont six volumes furent publiés entre 1834 et 1843. Devenu catholique, Newman publia à nouveau Les sermons paroissiaux en 1868, de même que deux autres volumes de sermons : Conférences adressées aux protestants et aux catholiques et Sermons pour des occasions diverses.

Trois semaines après avoir été ordonné au diaconat dans la communion anglicane, le 13 juin 1824, Newman fut nommé vicaire à l’église St Clément d’Oxford. Newman prêcha dans cette petite église pendant près de deux ans, le plus souvent deux fois le dimanche. Dans un premier temps, il adopta le style  « Siméon »[1] pour la rédaction des sermons et beaucoup des écrits de cette époque montrent ses penchants évangéliques.

Cependant, sa façon de prêcher changea vers 1828, lorsqu’il se mit à étudier les Pères de l’Eglise et fut providentiellement nommé Curé de l’église de l’Université. Il développa alors un nouveau style, et abandonna petit à petit la façon de prêcher qu’il utilisait auparavant et qu’il jugeait inefficace. Il transforma la paroisse universitaire, introduisit des services hebdomadaires avec communion (il n’y en avait jusqu’à présent que quatre par an) ; il prêchait deux fois le dimanche, matin et après-midi. Pendant son ministère à l’église de l’Université, le nombre de paroissiens doubla et la renommée et l’influence du jeune professeur comme prêcheur augmentèrent considérablement, particulièrement parmi les étudiants.

C’est grâce à sa profondeur de vue, au témoignage de sainteté et à son éloquence du haut de la chaire de l’église de l’Université que le Mouvement d’Oxford bénéficia d’une aussi vive sympathie dans le corps étudiant. Et pourtant ce n’était pas seulement les personnes de tradition Haute-église qui appréciaient les talents de Newman en chaire. Ainsi, Matthew Arnold, de tendance libérale en théologie et peu suspect de sympathie pour le Mouvement, rapporta l’effet profond que produisait la parole de Newman : « Comment résister au charme de cette apparition spirituelle, glissant le long des allées de St Mary dans la faible lumière de l’après-midi, montant en chaire, puis, d’une voix des plus charmeuses brisant le silence avec des mots et des pensées qui étaient une musique religieuse – subtile, douce, mélancolique. Heureux l’homme qui entend de telles voix en cette période impressionnable qu’est la jeunesse. Il en bénéficiera pour toujours. »

Pendant ses années comme membre du clergé anglican, il avait prêché 1270 fois. Il n’est donc pas très étonnant qu’un certain nombre de ses sermons n’aient pas encore été publiés. Mais c’est dans l’humble décor de Littlemore que Newman devait prêcher son dernier sermon comme prêtre anglican, « la séparation des amis », peut-être le plus personnel et le plus passionné qu’il ait jamais écrit. Newman achève le sermon par ces mots : « Oh mes frères, Oh cœurs doux et affectueux, Oh très chers amis, si vous connaissez un homme dont le rôle a été, par des écrits ou des paroles, de vous aider en quelque façon […]souvenez-vous de lui dans les temps à venir, même si vous ne l’entendez pas, et priez pour lui,  afin qu’en toutes choses il connaisse la volonté de Dieu, et qu’en tous temps il soit prêt à l’accomplir. »

Trad. Mme Sylvie Roura

Avec la permission de « The Portal on-line Magazine www.portalmag.co.uk« 


[1] Charles Simeon (1759-1836) publia des manuels d’aide à la rédaction de sermons.