L’attente du Christ

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«Le garant de ces révélations l’affirme : Oui, mon retour est proche. Amen ! Viens, Seigneur Jésus » (Ap 22, 20).

Quand notre Seigneur était sur le point de partir, il dit qu’il reviendrait bientôt ; pourtant, il savait que, par ce mot « bientôt », il ne voulait pas signifier ce qu’on entendrait par ce terme à première vue ; il ajouta : « soudain » et « comme un voleur » « Voici que je viens comme un voleur ; heureux celui qui veille et garde ses vêtements »[i]. Si sa venue avait été pour bientôt, selon le sens que nous donnons à ce mot, il y a des chances qu’elle n’aurait pu être soudaine. Les serviteurs qui ont été avertis d’attendre le retour de leur maître revenant d’une fête ne pourraient pas, penserait-on, être surpris par ce retour. C’est parce que, pour nous, son retour ne donne pas des signes d’être proche, qu’il sera soudain. Ce que vous souhaitez vous l’attendez; ce qui n’arrive pas, vous y renoncez tandis que le Christ, en affirmant que sa venue serait pour bientôt, mais en disant qu’elle resterait soudaine, déclarait que, pour nous, elle paraîtrait longue à venir.

Cependant, bien qu’elle nous semble, à nous, se faire attendre, pourtant le Christ a déclaré que sa venue serait soudaine ; et il nous a invités à guetter toujours son arrivée ; et ses premiers disciples, comme les apôtres nous le montrent, étaient toujours aux aguets. Sûrement est-ce de notre devoir de l’attendre, comme il est vraisemblable que son retour soit immédiat, bien que jusqu’à maintenant, depuis bientôt deux mille ans, l’Eglise l’ait attendu en vain.

N’est-il pas significatif qu’au dernier livre de l’Écriture, qui plus qu’aucun autre annonce pour l’Église chrétienne une longue durée, nous trouvions tant d’assurances explicites et répétées que la venue du Christ sera soudaine ? Même au dernier chapitre, on nous le répète trois fois. « Voici que mon retour est proche ! Heureux celui qui garde les paroles prophétiques de ce livre.[ii] » « Voici que mon retour est proche. J’apporte avec moi le salaire que je vais payer à chacun[iii] ». Et de nouveau, dans notre texte en exergue, il est affirmé: «Le garant de ces révélations le déclare : Oui, mon retour est proche[iv] .» Telle est l’annonce ; et par suite, il nous est recommandé d’être toujours en train de guetter le grand Jour, «d’attendre son Fils qui viendra des cieux[v] »; «d’attendre et de hâter l’avènement du Jour de Dieu[vi] ».

Il est vrai, certes, qu’une fois saint Paul met en garde ses frères contre une attente de la venue immédiate du Christ ; mais il n’en dit pas plus que ceci : le Christ enverra un signe immédiatement avant sa venue, un certain adversaire redoutable de la vérité qui doit être suivi immédiatement par le Christ lui-même ; c’est pourquoi il n’est pas sur notre route ou ne peut nous aider à guetter le Christ. En vérité, saint Paul semble plutôt avertir ses frères de ne pas être déçus si le Christ ne vient pas, plutôt que de les détourner de l’attendre.

Certes on peut nous objecter qu’il y a là une sorte de paradoxe ; comment est-il possible, peut-on demander, d’être toujours en attente de ce qui tarde depuis si longtemps ? Ce qui met tant de temps à venir peut se faire attendre encore. Sans doute, pour les premiers chrétiens, c’était possible, car ils n’avaient aucune expérience de la longue période pendant laquelle l’Église devait rester sur terre à attendre le Christ. Mais nous, nous ne pouvons nous empêcher de raisonner ainsi : il n’y a pas plus de raisons d’attendre le Christ à présent qu’il n’y en avait en ces anciens temps pendant lesquels, comme l’a montré l’événement, il n’est pas revenu. Les chrétiens ont toujours attendu le dernier jour; et ils ont toujours affronté une déception. Ils ont vu ce qu’ils pensaient être des symptômes de sa venue, des signes propres à leur époque ; mais une connaissance un peu plus étendue du monde, une plus vaste expérience leur auraient montré que c’était le fait de tous les temps. Ils ont toujours été effrayés sans raison justifiée, s’agitant dans leur étroitesse d’esprit et édifiant des illusions superstitieuses. Y a-t-il eu une époque du monde au cours de laquelle les gens n’aient pas cru que le Jour du Jugement arrivait? Une telle attente n’a mis en évidence ou engendré que négligence et superstition. On ne doit la regarder que comme pure faiblesse.

Mais je vais essayer de dire quelque chose qui réponde à cette objection.

1. Tout d’abord, si on la considère comme une critique de l’attitude habituelle de perpétuelle attente (pour reprendre l’expression commune), elle va trop loin. Si on la suit de façon absolue, il n’est pas d’âge où il faudrait attendre le Jour du Christ ; le temps où il viendra (quel qu’il soit), ne devrait pas comprendre son attente. Alors que c’est la chose même contre laquelle il nous a mis en garde. Nulle part il ne nous met en garde contre ce qu’on appelle avec mépris de la superstition; mais il nous met en garde expressément contre une assurance orgueilleuse. S’il est vrai que les chrétiens l’ont attendu alors qu’il n’est pas venu, il est tout aussi vrai que, lorsque de fait il viendra, le monde ne l’attendra pas. S’il est vrai que les chrétiens se sont imaginé qu’il y avait des signes de sa venue, alors qu’il n’y en avait pas, il est également vrai que le monde ne verra pas les signes de sa venue quand ils seront présents. Ses signes ne sont pas assez évidents pour n’avoir pas à les chercher; ils ne sont pas assez évidents pour qu’il ne soit pas possible de vous tromper dans votre recherche. Alors, vous avez le choix entre le risque de croire voir ce qui n’existe pas ou de ne pas voir ce qui est. La vérité, c’est que maintes fois, en bien des époques, les chrétiens ont fait erreur en croyant discerner la venue du Christ ; mais il vaut mieux de le croire mille fois en train d’arriver alors qu’il n’est pas là que de penser une seule fois qu’il ne vient pas quand il est là. Telle est la différence entre l’Écriture et le monde ; à juger selon l’Écriture, vous seriez toujours en train d’attendre le Christ; à juger selon le monde, vous ne l’attendriez jamais. En réalité, il doit venir un jour, tôt ou tard. Les hommes du monde se livrent au mépris à l’égard de notre manque de discernement maintenant ; mais qui seront ceux à qui manquera le discernement alors et à qui reviendra un jour la victoire ? Et que pense le Christ de leur mépris actuel ? Il nous met en garde expressément par son apôtre contre les railleurs qui diront : « Où est la promesse de son avènement ? Depuis que les pères sont morts, tout demeure comme au début de la création… Mais (continue saint Pierre), frères très chers, voici un point que vous ne devez pas ignorer: c’est que, devant le Seigneur, un jour est comme mille ans et mille ans comme un jour[vii]. »

Une chose également est à rappeler: les ennemis du Christ n’ont jamais cessé d’attendre la ruine de son Église, époque après époque ; et je ne vois pas pourquoi l’attente de l’une serait plus déraisonnable que celle de l’autre. En réalité, elles s’éclairent l’une l’autre. Ainsi en est-il: nullement découragés par l’échec de leurs prévisions antérieures, les incroyants attendent toujours que l’Église et la religion touchent à leur fin. Ils l’ont cru au siècle dernier; ils le croient encore à présent. Ils croient toujours que s’en va la lumière de la vérité et qu’arrive l’heure de leur victoire. Mais, je le répète, je ne vois pas pourquoi il est raisonnable d’attendre encore la ruine de la religion après tant d’échecs ; et au contraire déraisonnable, en raison des déceptions antérieures, d’attendre la venue du Christ. Oui, au moins les chrétiens, bien au-delà et au-dessus de l’apparence des choses, peuvent se référer à une promesse expresse du Christ qu’il viendra un jour; tandis que les incroyants, je suppose, ne peuvent présenter de raison aucune pour soutenir l’attente de leur propre triomphe, excepté les signes du temps. Ils sont optimistes parce qu’ils paraissent si forts ; et l’Église de Dieu semble si faible ; et pourtant, leur esprit n’est pas suffisamment ouvert, quand ils contemplent l’histoire du passé, pour s’apercevoir qu’une telle force apparente d’une part et une telle faiblesse apparente de l’autre ont toujours été l’état du monde et de l’Église; et que la raison principale et même la seule pour les chrétiens d’attendre la fin immédiate de toutes choses, est que les perspectives de la religion étaient si sombres. Cela étant, de fait, chrétiens et incroyants ont toujours porté précisément le même regard sur les faits en question ; seulement, ils en ont tiré des conclusions différentes selon leur conviction. Le chrétien a dit : « Tout paraît si rempli de trouble que le monde va à sa fin. » Et l’incroyant a déclaré : «Tout est si rempli de trouble que l’Église touche à sa fin. » Et il n’y a rien, sûrement, qui soit plus superstitieux dans une opinion que dans l’autre.

Mais lorsque chrétiens et incroyants s’unissent ainsi dans l’attente, en définitive, de la même réalité, bien que leur regard diffère, selon leur mode respectif de pensée, il ne peut y avoir rien de très extravagant de constant qui la justifie. Et j’estime que c’est bien le cas. Toujours, depuis que le christianisme a pénétré dans le monde, il a, en un sens, toujours été en train d’en disparaître. Il est si étranger à l’esprit humain, il est si spirituel et l’homme est si terrestre, qu’il semble si fragile ; il a des adversaires si nombreux et si forts, et tant de faux amis, que toute époque, quelle qu’elle soit, peut s’appeler le «dernier temps». Il a opéré de grandes conquêtes, il a accompli de grandes œuvres ; mais encore il a tout réalisé, ainsi que l’apôtre le dit lui-même, «faible, craintif et tout tremblant[viii] ». Comment se fait-il que le christianisme soit toujours en échec et qu’il dure toujours, Dieu seul le sait, lui qui le veut. Mais ainsi en est-il ; et ce n’est pas un paradoxe de dire que d’un côté il dure depuis dix-huit siècles et peut durer bien des années encore ; et que pourtant il va vers une fin, et même va finir probablement un jour. Et Dieu voudrait que nos cœurs et nos esprits penchent de ce côté-ci de l’alternative pour les ouvrir aux impressions qui en viennent, qui nous disent que la fin est imminente, car c’est une chose salutaire de vivre comme si devait arriver aujourd’hui ce qui peut se produire n’importe quel jour.

Il en était autrement aux époques qui ont précédé la venue du Christ. Le Sauveur devait venir. Il devait apporter l’accomplissement; et la religion devait cheminer vers cet accomplissement. Il y avait tout un système de révélations successives en train de se faire, d’abord l’une et l’autre ensuite; chaque prophète, à son tour, ajoutait au dépôt de la vérité divine ; et tendait progressivement vers la plénitude de l’Evangile. Pour les croyants d’avant la venue du Christ le temps était compté selon les mots de la prophétie de telle sorte que le Christ ne pouvait être jamais attendu à aucune époque avant la « plénitude des temps » lorsqu’il est venu. Le peuple élu n’avait pas reçu l’ordre de l’attendre tout de suite. Mais après le séjour en Canaan, après une captivité en Egypte, après les errances au désert, après les Juges, les Rois et les Prophètes, à la fin, soixante-dix longues semaines furent fixées pour l’introduire dans le monde. Ainsi, comme il est permis de le dire, son retard fut alors reconnu; et tout au long de ce délai, d’autres vérités, d’autres règles furent données pour remplir cet intervalle. Mais une fois que le Christ fut venu, comme le Fils dans sa propre maison, avec son Évangile parfait, il ne restait rien de plus qu’à rassembler les Saints. Aucun prêtre plus grand ne pouvait venir, ni de doctrine plus vraie. La Lumière et la Vie des hommes étaient apparues ; elles avaient souffert et étaient ressuscitées. Rien d’autre ne restait à faire. La terre avait connu son événement le plus solennel et avait vu son plus sacré spectacle, c’est pourquoi c’était le dernier temps. Et depuis, bien que le temps s’écoule entre le premier et le dernier avènement du Christ, ce temps, peut-on dire, ne compte pas, selon le plan de l’Évangile, il est, pour ainsi dire, un accident. Ainsi en était-il jusqu’à la venue du Christ dans la chair: le cours des choses allait tout droit vers ce but, s’en rapprochant par étapes. Mais à présent, sous le régime de l’Évangile, le cours du temps a, peut-on dire, changé de direction, au regard de ce second avènement ; il va, non vers la fin, mais à côté d’elle, il longe la fin. À tout moment, il est aussi proche de ce grand événement que si, se dirigeant vers lui, il le rencontrait sur-le-champ. Le Christ, en effet, est toujours à notre porte, aussi proche il y a dix-huit siècles qu’à présent, et pas plus proche aujourd’hui qu’alors ; et pas plus proche quand il viendra qu’à présent. Quand il dit qu’il viendra bientôt, «bientôt» n’est pas un mot du temps, mais de l’ordre des choses. Cet état présent des choses, la «détresse présente», comme saint Paul l’appelle, est toujours tout proche du monde à venir et se résout en lui. Comme lorsqu’un homme est perdu, il peut mourir à tout instant, et pourtant il dure ; comme un engin de guerre peut à tout instant exploser, et explosera à un moment donné ; comme nous attendons qu’une pendule sonne qui, à la fin, nous surprendra, comme une arche croulante reste en suspens, on ne sait pas comment, au point qu’il n’est pas prudent d’y passer dessous ; ainsi va se traînant ce monde faible et las, et, un jour, avant que nous sachions où nous en sommes, il finira.

Et il m’est ici permis de faire, en passant, l’observation suivante sur la lumière qui est ainsi projetée sur la doctrine que le Christ est le seul prêtre sous l’économie de l’Évangile ; ou que les apôtres siègent toujours sur douze trônes, jugeant les douze tribus d’Israël ou que le Christ est avec eux toujours, même jusqu’à la fin du monde. Ne voyez-vous pas la force de ces expressions ? L’Alliance d’Israël, certes, connut des « temps divers », qui furent ordonnés « de diverses manières » ; elle eut une longue suite de prêtres et une histoire variée ; une partie de ces séries fut plus sainte qu’une autre, et plus proche du ciel. Mais quand le Christ fut venu, qu’il eut souffert et qu’il fut remonté au ciel, il est resté désormais toujours proche de nous, toujours à portée de main, même si de fait il n’est pas revenu, s’il n’est jamais vraiment parti ni jamais vraiment de retour. Il est le seul chef et le seul prêtre de son Église, dispensant les dons, il n’a nommé personne pour le remplacer parce qu’il n’est parti que pour une brève saison. Aaron a tenu la place du Christ et il avait un sacerdoce venant de lui ; mais les prêtres du Christ n’ont de sacerdoce que le sien. Ils ne sont que son ombre et ses organes, ils sont ses signes extérieurs; quand ils agissent, c’est lui qui agit; quand ils baptisent, c’est lui qui baptise ; quand ils bénissent, c’est lui qui bénit. Il est dans tous les actes de son Église ; et l’une de ces actions n’est pas plus authentiquement son action à lui qu’une autre, car toutes sont siennes. Ainsi sommes-nous, à tous les temps de l’économie de l’Évangile, amenés tout près de sa croix. Nous nous tenons, pour ainsi dire, sous la croix; nous recevons ses bénédictions tout droit d’elle; mais puisque, selon le cours de l’histoire, le temps a passé et que le seul Saint s’en est allé, certaines formes extérieures sont nécessaires comme moyens de nous amener sous son ombre ; aussi nous recevons ces bénédictions mystérieusement par les sacrements pour en jouir réellement. Tout cela témoigne du double devoir de faire mémoire du Christ et de l’attendre et nous apprend à négliger le présent, à ne compter sur aucun projet, à ne pas faire de prévisions pour l’avenir; mais à vivre ainsi de la foi comme si le Christ ne nous avait pas quittés, de l’espérance comme s’il était revenu à nous. Nous devons essayer de vivre comme si les apôtres étaient vivants, de méditer la vie du Seigneur dans les Évangiles, non comme une histoire, mais comme un ressouvenir.

2. Cela m’amène à faire réflexion sur un second aspect sous lequel l’objection en question peut être soulignée, à savoir qu’attendre le Christ n’est pas seulement extravagant en son idée même, mais devient superstition et faiblesse dès qu’on s’y applique. L’esprit, absorbé par la pensée d’une visite redoutée, tout imminente, commence à imaginer des signes dans le monde matériel et moral ; il prend les événements ordinaires de la divine providence pour des miracles. Ainsi les chrétiens sont-ils réduits en esclavage; ils substituent à l’Évangile une religion de leur cru où l’imagination prend la place de la foi, où les choses visibles et terrestres prennent la place de l’Écriture. Telle est l’objection : pourtant le texte cité en exergue tout en indiquant le but de l’attente, par les termes « Oui, mon retour est proche »» indique aussi sûrement la manière d’attendre, car il ajoute : « Amen, viens, Seigneur Jésus. »

Je fais remarquer ceci : même si les chrétiens se trompent quand ils prennent pour des signes de la venue du Christ ce qui n’en est pas, ils sont dans la bonne attitude d’esprit car ils ne se trompent pas en attendant le Christ. Crédules ou non, ils n’agissent que comme on agit envers une personne aimée, vénérée et admirée sur terre. Regardez comment des personnes loyales considèrent un bon prince ; vous trouverez des histoires qui circulent d’un bout à l’autre du pays en sa faveur ; les gens ont plaisir à croire qu’ils ont été l’objet de signes de sa bienfaisance, de sa noblesse, de sa bonté paternelle. Beaucoup de ces récits sont faux ; d’autres, au contraire, sont vrais ; et, somme toute, nous ne devrions pas avoir grande estime envers l’homme qui, au lieu d’être touché de la mutuelle sympathie entre le souverain et son peuple, s’occupe simplement à chicaner sur ce qu’il appelle leur crédulité, à passer au crible l’exactitude de telle ou telle histoire particulière. Grande chose, en vérité, après tout, d’être capable de détecter quelques rapports inexacts, de dévoiler quelques fictions et de se montrer sans cœur ! Et, en vérité, d’autre part, triste lacune dans le peuple, je sup­pose, de n’avoir raison que dans l’ensemble et non dans chaque cas, mais d’avoir le cœur droit! Qui envierait le savoir d’un tel homme? Qui ne préférerait l’ignorance de ces gens-là ? Et pareillement, je préférerais être celui qui, par amour du Christ et par défaut de science, pense que tel étrange spectacle du ciel, comète ou météore, est le signe de l’avènement du Christ, plutôt que d’être l’homme qui, par supériorité de savoir et manque d’amour, se rit de cette méprise.

Avant notre époque, des personnes religieuses ont pris des phénomènes célestes pour des signes de la venue du Christ qui ne nous causent plus du tout de crainte. D’accord, mais qu’en conclure ? Considérons le cas en question. Dans les temps anciens, on ne savait pas en général que certains corps célestes se mouvaient et apparaissaient à des époques déterminées et selon un ordre ; maintenant nous le savons ; c’est-à-dire que les hommes d’aujourd’hui sont habitués à les voir; qu’alors ils ne l’étaient pas. Nous savons aussi peu aujourd’hui qu’alors comment ils viennent et pourquoi ; mais les gens d’autrefois étaient surpris de les voir, parce qu’ils leur paraissaient étranges ; à présent, ils ne le paraissent plus, aussi les gens ne sont pas surpris. Mais comment était-il alors absurde et ridicule (car c’est ainsi que les gens d’aujourd’hui le disent), pourquoi était-ce faux et stupide pour un homme d’être impressionné par ce qui était rare et étrange ? Prenez un cas parallèle : voyager est habituel à présent ; ce ne l’était pas autrefois. Par suite, nous voyageons à présent sans aucune émotion sérieuse en prenant congé de nos amis. Mais alors, parce que ce n’était pas habituel, même si les risques étaient les mêmes et l’absence aussi longue, les gens ne quittaient pas la maison sans de grands préparatifs, beaucoup de prières et beaucoup d’au revoir. Je ne vois rien de très répréhensible d’être plus impressionné par des choses inhabituelles que par ce qui est commun.

Et observez ceci : dans le cas dont je parle, les gens qui attendent le Christ n’agissent pas seulement par obéissance au Christ dans l’acte d’attendre, mais dans la manière même d’attendre les signes de sa venue ils obéissent au Christ. Toujours, depuis le commencement, les chrétiens ont attendu le Christ dans les signes du monde matériel et moral. S’ils étaient pauvres et incultes, des spectacles étranges dans le ciel, des tremblements de terre, des tempêtes, un échec de la moisson, une maladie ou toute autre réalité exceptionnelle ou extraordinaire, tout leur faisait croire que le Christ était à la porte. S’ils étaient formés à observer le monde social et politique, alors les troubles des États, guerres, révolutions et événements de ce genre, étaient aussi des motifs supplémentaires pour les impressionner et pour leur tenir leur cœur ouvert au Christ. Mais tout cela n’est rien d’autre que ce même qu’il nous a dit en personne de prendre en compte et qu’il nous a donné comme signes de sa venue. « Il y aura des signes dans le soleil, dit-il, la lune et les étoiles. Sur la terre, les nations seront dans l’angoisse, inquiètes du fracas de la mer et des flots ; des hommes défailliront de frayeur, dans l’attente de ce qui menace le monde habité, car les puissances des cieux seront ébranlées… Quand cela commencera d’arriver, redressez-vous et relevez la tête, parce que votre délivrance est proche[ix] ». Un jour, donc, les astres du ciel seront effectivement des signes ; un jour, les événements des nations seront réellement des signes ; pourquoi donc est-il superstitieux de les envisager ainsi ? Ce ne l’est pas. Il se peut que nous nous trompions dans les cas particuliers sur lesquels nous prenons appui ; ainsi nous faisons preuve de notre ignorance. Mais il n’y a rien de ridicule ni de méprisable dans notre ignorance tandis qu’il y a beaucoup d’esprit religieux’ dans notre attente. Il vaut mieux nous tromper dans notre attente que de ne pas attendre du tout.

Et il ne s’ensuit pas que les chrétiens se soient trompés même dans leurs anticipations particulières, bien que le Christ ne soit pas venu, tandis qu’ils affirmaient voir ses signes. Peut-être étaient-ils des signes qu’il a retirés ensuite. Est-ce qu’il n’y a pas là une sorte de contretemps ? Est-ce que les gens habiles dans les affaires de ce monde ne forment pas quelquefois des prévisions qui s’avèrent fausses ? Et pourtant, ne disons-nous pas qu’elles auraient dû être vraies ? Le ciel est menaçant puis il s’éclaircit de nouveau. Ou bien un chef militaire lance ses hommes en avant, puis, pour quelque motif, il les rappelle ; dirons-nous que les informateurs se trompaient en nous rapportant la nouvelle qu’il faisait mouvement? Eh bien, en un sens, le Christ fait toujours avancer et toujours rappelle les années du ciel. Les signes des chevaux blancs sans cesse apparaissent et toujours disparaissent ; « les nuages s’en retournent après la pluie». Et les serviteurs du Christ n’ont pas tort de remarquer et de dire que le temps se gâte bien qu’il ne se gâte pas, car il est toujours incertain.

Une autre chose mériterait d’être observée : c’est que, même si les chrétiens ont toujours attendu le Christ, en faisant toujours remarquer ses signes, ils n’ont jamais dit qu’il était venu. Ils ont dit seulement qu’il allait venir bientôt, qu’il n’était pas encore là. Et de fait, il arrivait, et il vient. Des excités, des fanatiques, des gens présomptueux et insensés ont dit qu’il était réellement arrivé ; ou bien ils ont déterminé l’année exacte, le jour exact qu’il viendrait. Il n’en est pas ainsi de ses humbles disciples. Ils ne l’ont jamais annoncé ni ne l’ont jamais recherché, soit au désert soit dans des endroits secrets. Et ils n’ont jamais essayé de déterminer « les temps et les saisons que le Père a fixés de son propre pouvoir». Ils n’ont jamais fait qu’attendre; quand il viendra réellement, ils ne se tromperont pas à son sujet ; mais jusque-là, ils ne se prononcent nullement. Ils ne font que voir ses signes avant-coureurs.

Assurément, il n’y a pas grand dommage ni ridicule quand des gens d’esprit religieux estiment que les événements de leur époque sortent de l’ordinaire, quand ils s’imaginent que les affaires du monde se gâtent, que les événements se précipitent vers un avènement final. Car, remarquons-le, l’Écriture nous approuve d’interpréter tout ce que nous voyons dans le monde en un sens spirituel, comme si tout était signe et révélation du Christ, de sa providence et de sa volonté. Voici ce que je veux dire : si ce monde d’ici-bas qui semble aller de l’avant sur sa propre route, indépendamment du Christ, gouverné par ses lois déterminées ou régi par des cœurs sans loi, doit, néanmoins, un jour, d’une manière effrayante, proclamer la venue de celui qui le jugera, assurément il n’est pas impossible que ce même monde, tant dans son ordre physique que dans son cours temporel, parle aussi de Dieu d’une tout autre manière. Au premier abord, certes, on pourrait objecter que ce monde n’utilise qu’un langage contraire à Dieu ; que l’Écriture nous le décrit comme opposé à Dieu, à la vérité, à la foi, au ciel; qu’on le dit être un voile trompeur défigurant les choses et éloignant l’âme de Dieu. Comment, demande-t-on alors, le monde peut-il porter sur lui les signes de la présence de Dieu ; ou bien nous rapprocher de lui ? Pourtant, il en est certainement ainsi. En dépit du mal du monde, après tout, Dieu est en lui et il parle par lui, quoique à voix basse. Quand il est venu dans la chair, « il était dans le monde et le monde a été fait par lui et le monde ne l’a pas reconnu ». Il ne s’est pas non plus imposé ni n’a crié ni n’a élevé la voix dans la rue. Ainsi en est-il à présent. Il est encore ici ; il murmure encore à notre oreille ; il nous fait encore signe. Mais sa voix est si basse et le bruit du monde est si fort, ses signes sont si cachés et le monde est si agité qu’il est difficile de savoir quand il s’adresse à nous et ce qu’il nous dit. Les croyants ne peuvent que sentir que, de diverses manières, sa providence, somme toute, les guide et les bénit personnellement. Et pourtant, quand ils essaient de préciser les temps et les lieux, les traces de sa présence s’évanouissent. Qui, par exemple, n’a pas été favorisé en voyant ses prières exaucées au point de sentir alors qu’il ne pourrait plus retomber dans l’incroyance? Et qui n’a pas constaté d’étranges coïncidences au cours de sa vie, qui lui ont montré d’une manière irrésistible que la main du Dieu était sur lui? Qui n’a pas eu des pensées qui se sont imposées à lui avec une sorte de force mystérieuse, pour l’avertir ou pour le diriger? Et peut-être certaines personnes expérimentent des choses encore plus étranges. Avant notre époque de merveilleuses providences se sont manifestées par le moyen des songes ; ou d’une manière encore plus extraordinaire le Dieu tout-puissant est parfois intervenu. Et de plus, des choses qui sont sous nos yeux prennent la forme de figures ou des présages de réalités d’ordre moral ou touchant l’avenir au point que notre esprit ne peut s’empêcher d’anticiper et d’annoncer ce qui n’est pas dit à partir de ce qu’il voit. Et parfois ces présages sont remarquablement accomplis par l’événement. Et encore les destinées des gens sont si singulièrement variées comme si une loi de succès et de réussite en dominait un certain nombre, et si une loi contraire s’exerçait sur les autres. Les choses étant ainsi, l’immensité et le mystère du monde s’imposant à nous, nous pouvons bien commencer à penser qu’il n’y a rien ici-bas qui, autant que nous le savons, n’ait un lien avec tout le reste ; les événements les plus éloignés les uns des autres peuvent pourtant se trouver liés, les plus insignifiants et les plus importants peuvent être les parties d’une seule réalité. Et il se peut que Dieu nous instruise et nous offre la connaissance de ses voies, si nous voulons seulement ouvrir les yeux, dans les faits les plus ordinaires de notre journée. Voilà ce que des gens réfléchis arrivent à croire ; ils commencent alors à avoir une sorte de foi dans le sens divin de ce qu’on appelle les incidents de la vie ; ils éprouvent une sorte de disposition à en être affectés qui peut facilement devenir excessive, et qui, qu’elle soit ou non exagérée, sera sûrement tournée en ridicule par la masse des gens comme une superstition. Et pourtant, si nous songeons que l’Écriture nous dit que même les cheveux de notre tête sont tous comptés par Dieu, que tout est nôtre et que tout contribue à notre bien, c’est certainement pour nous un encouragement à rechercher la présence de Dieu dans tout ce qui arrive, si banal que ce soit, et à soutenir que pour les oreilles d’un croyant même ce monde mauvais parle de Dieu.

Pourtant, dis-je, l’attente religieuse de Dieu à longueur de journée, qui ressemble si bien à l’esprit de vigilance que nous considérons, est tout aussi exposée à la critique et à la raillerie du monde. Dieu ne nous parle pas à travers les événements de la vie au point qu’il nous soit possible de convaincre les autres qu’il nous parle. Il n’agit pas selon des lois si évidentes que vous puissiez en parler avec certitude. Il nous donne des signes suffisants de lui-même pour élever notre esprit vers lui avec crainte. Mais il semble si souvent défaire ce qu’il a fait et souffrir des contrefaçons de ses signes, qu’une conviction de sa présence merveilleusement active ne peut exister qu’à l’intérieur de chaque personne. Ce n’est pas une vérité qu’on puisse enseigner et reconnaître devant les gens; elle n’est pas d’une nature à s’imposer comme un principe à la masse des hommes, ni même aux personnes religieuses. Dieu nous donne suffisamment pour nous faire chercher et espérer, mais pas assez pour nous permettre d’insister et d’argumenter.

J’ai toujours parlé jusqu’ici de gens réfléchis et consciencieux, de ceux qui font leur devoir et qui étudient l’Écriture. Il est tout à fait sûr que ce regard sur les événements extérieurs devient vraiment de la superstition quand il se trouve chez des gens d’une vie sans religion ou ayant une connaissance superficielle de l’Écriture. La grande et principale révélation que Dieu nous a faite de sa volonté l’a été par le Christ et ses apôtres. Ils nous ont donné une connaissance de la vérité ; ils ont répandu dans le monde des doctrines et des principes divins ; ils ont accompagné cette vérité révélée de sacrements divins qui apportent au cœur ce qui, autrement, resterait une connaissance purement extérieure et stérile. Et ils nous ont dit de pratiquer ce que nous connaissions, d’obéir à ce qui nous a été enseigné afin que la parole du Christ puisse se former en nous et y faire sa demeure. Ils ont été inspirés, en outre, d’écrire la sainte Écriture, pour notre instruction et notre réconfort. Et dans ces Écritures, nous trouvons l’histoire de ce monde interprétée pour nous d’une manière divine. Quand alors un homme formé et intérieurement fortifié, avec ces principes de vie dans le cœur, avec cette vision et cette ferme possession de réalités invisibles, avec des goûts, des opinions, des vues, des aspirations modelées sur la loi révélée de Dieu, regarde au-dehors dans le monde, il ne vient pas y chercher une révélation, il en a déjà une. Il ne prend pas sa religion du monde ni ne surestime les signes et les présages qu’il y découvre. Mais tout différent est le cas de quelqu’un qui n’est pas aussi éclairé et informé de la vérité révélée. Il n’est alors qu’une proie, il devient l’esclave des circonstances et des événements, des visions et des voix, des présages et des prodiges qu’il rencontre dans le monde matériel et moral. Sa religion est un asservissement aux réalités périssables, une idolâtrie de la créature, elle est, au pire sens du terme, une superstition. De là |a remarque commune que ce sont les gens irréligieux qui sont les plus ouverts à la superstition. Car ils ont un pressentiment qu’il existe quelque chose de grand et de divin quelque part. Et puisqu’ils ne l’ont pas en eux, ils n’ont pas de mal à croire qu’il est ailleurs, partout où des gens prétendent en avoir la possession. Ainsi trouve-t-on dans l’histoire des gens haut placés qui se livrent à des arts illicites, qui consultent des sorciers de profession et s’intéressent à l’astrologie. Les uns ont connu des jours fastes et des jours néfastes ; d’autres ont été le jouet de rêves ou de vaines imaginations. Et vous avez enfin ceux qui se sont prosternés devant des idoles. Car ils n’avaient ni principes ni racines en eux-mêmes. Ils ignoraient pareillement l’Écriture où Dieu a très miséricordieusement levé le voile sur une partie de l’histoire du monde, afin que nous puissions voir comment il agit. L’Écriture est la clef avec laquelle il nous est donné d’interpréter le monde. Ceux qui ne l’ont pas errent parmi les ombres du monde, et interprètent les choses au hasard.

Le même défaut de principes religieux et intérieurs se manifeste dans la manière légère et inconsciente selon laquelle tant de gens adoptent des formes erronées de la foi religieuse. Celui qui a en lui la lumière du Christ entend la voix des gens exaltés, égarés, prétentieux et hypocrites qui l’appellent à leur suite, mais il n’en est pas ébranlé. Mais lorsqu’un homme a conscience d’être un pécheur délibéré et de n’être pas en paix avec Dieu, quand son propre cœur est contre lui, qu’il n’a en lui aucun principe, aucun appui, alors il est la proie du premier venu qui lui parle avec autorité et lui ordonne de croire en lui. De là vient qu’on trouve tant de gens qui courent avidement après ceux qui prétendent faire des miracles, ou qui accusent l’Eglise d’apostasie, ou qui soutiennent que seuls seront sauvés ceux qui s’accordent avec eux ; et bien d’autres qui courent après quiconque parle avec assurance sans fournir aucune garantie de sa rectitude. De là vient que la multitude est si sujette à de soudaines paniques. On vous raconte que des foules se sont ruées hors d’une cité sur la foi d’une vaine prédiction annonçant que le jour du Jugement arrivait. De là vient que tant de gens en privé et secrètement sont si remplis de petites superstitions, trop insignifiantes pour qu’on les mentionne. Tout cela parce qu’ils n’ont pas la lumière de la vérité qui brûle dans leur cœur.

Mais le vrai chrétien n’est pas de ce nombre-là. À lui s’appliquent les paroles de saint Paul : « Tout m’est permis ; mais tout n’est pas profitable; tout m’est permis, mais je ne me laisserai, moi, dominer par rien[x].» Il sait, lui, «user de ce monde comme n’en usant pas». Il ne dépend de rien en ce monde. Il n’avance pas ses propres vues contre la parole révélée. «Tu garderas dans la paix parfaite celui dont l’esprit s’appuie sur toi, parce qu’il se fie à toi. » Telle est la promesse qui lui a été faite. Et s’il porte son regard sur ce monde pour y chercher quelque chose, ce n’est pas pour y rechercher ce qu’il ne connaît pas, mais ce qu’il connaît. Il n’y cherche pas un Seigneur et un Sauveur. Il a depuis longtemps «trouvé le Messie». C’est lui qu’il attend. Son Seigneur en personne lui a ordonné de le chercher dans les signes de ce monde, et c’est pourquoi il y porte son regard. Son Seigneur lui-même lui a montré, dans l’Ancien Testament, comment lui, le Roi de Gloire, daigne s’abaisser jusqu’aux réalités du ciel et de la terre. Il sait que les anges de Dieu parcourent la terre. Il sait qu’autrefois ils avaient l’habitude de venir sous une forme humaine. Il sait que le Fils de Dieu, depuis longtemps, est venu sur terre. Il sait qu’il a promis à son Église la présence d’une action miraculeuse et qu’il n’a jamais retiré sa promesse. Il lit encore suffisamment le livre de l’Apocalypse, non pas pour y trouver ce qui va arriver, mais pour voir qu’à présent comme auparavant un système surnaturel et secret se développe sous la scène visible. C’est pourquoi il cherche le Christ, ses providences actuelles, et il attend sa venue. Et bien qu’il soit souvent déçu en son attente, bien qu’il s’imagine que des choses merveilleuses vont arriver sur terre, qui tardent encore à venir, il use pour son réconfort des paroles du Prophète : « Je vais me tenir à mon poste de garde ; je vais rester debout sur mon rempart; je guetterai pour voir ce qu’il me dira, ce qu’il va répondre à ma doléance. Alors le Seigneur m’a répondu… C’est une vision qui n’est que pour son temps ; elle aspire à son terme, sans décevoir ; si elle tarde, attends-la. Elle viendra sûrement, sans faillir ! Voici qu’il succombe, celui dont l’âme n’est pas droite, mais le juste vivra par sa fidélité[xi] ».


[i] Ap 16,15.

[ii] Ap 22,7.

[iii] Ap 22,12.

[iv] Ap 22,20.

[v] 1 Th 1,10.

[vi] 2 P 3,12

[vii] 2 P 3,4,8.

[viii] 1 Co 2,3.

[ix] Lc 21,25-26,28.

[x] 1 Co 6,12.

[xi] Ha 2,1-4.

Texte en français: Newman, Sermons Parosissiaux, vol 6 L’identité chrétienne, édition Cerf, Paris 2006.

17 sermons PPS VI (29 novembre et 6 décembre 1840.)