Newman et l’esprit authentique du carême

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Seán McLaughlin

Les pèlerins et visiteurs qui se rendent dans la chambre privée de Newman à Littlemore sont souvent très surpris par son côté spartiate, le sol froid et les murs blanchis à la chaux. L’atmosphère frugale du Collège présente un contraste saisissant avec ce qu’Oxford offre habituellement. Ici à Littlemore Newman décida de suivre la réalité pure et dure d’une vie quotidienne dépourvue de toutes les distractions qu’il considérait comme non essentielles. Dans son esprit, le Littlemore de Newman était l’expression extérieure de son désir intérieur de n’avoir que ce qui était strictement nécessaire. Sous bien des aspects, on pourrait comparer ses années à Littlemore avec notre observance annuelle du carême.

Ces années à Littlemore furent probablement pour Newman une des périodes de sa vie où il vécut le plus intensément,  dans la prière, la retraite et l’étude. En s’installant de façon permanente à Littlemore, Newman était conscient de l’importance de ce temps de discernement et en conséquence, il établit un régime relativement strict pour lui-même et ses compagnons tractariens au Collège. William Lockhart, le premier des tractariens à se convertir en 1843, écrivit : « J’ai été admis à Littlemore comme un des premiers compagnons de Newman, grâce à sa grande gentillesse… La vie ressemblait un peu à ce que nous avions lu dans Les Pères du Désert.  Nous nous levions à minuit pour réciter l’office de la nuit du bréviaire romain. Je me souviens que l’on omettait l’invocation directe aux saints, mais à la place, nous demandions à Dieu que le saint du jour prie pour nous. Je crois que nous passions une heure en privé à prier, et pour la première fois, j’ai appris ce que la méditation voulait dire. Nous jeûnions chaque jour jusqu’à midi et, pendant le Carême et l’Avent jusqu’à dix-sept heures. » Richard Stanton, qui vint séjourner au Collège en 1845, constata qu’il ne différait aucunement de ce que Lockhart écrivait en 1842 : « Le plan de vie que nous suivions était on ne peut plus simple…un silence parfait était observé dans la maison, sauf pendant la récréation dans la bibliothèque…nous prenions le petit déjeuner debout dans la salle à manger et également un déjeuner au milieu de la journée. Dans l’après-midi, nous avions coutume de faire une promenade, et parfois Mr Newman nous accompagnait et tenait une conversation des plus charmantes… »

Malgré l’apparente sévérité qui se dégage de ces récits, Newman se méfiait des formes extrêmes d’ascétisme et finit par abandonner certaines pratiques qu’il jugeait peu édifiantes pour le bien de la communauté de Littlemore ou de certains membres. De fait, nous trouvons un passage étonnant dans son sermon de 1838 Le jeûne, source d’épreuve, dans lequel il explique que le jeûne de Notre Seigneur dans le désert « ne fut qu’une introduction à sa tentation …la cause même de ce conflit dans une bonne mesure. Au lieu de l’armer simplement contre la tentation, il est évident qu’en premier lieu son retrait et son abstinence l’y exposaient. Le jeûne en fut la première occasion. » Newman avait compris que, si le jeûne et la pénitence peuvent amener un homme à Dieu et lui donner la force de lutter dans le bon sens, cela peut aussi devenir une source de repli sur soi, d’orgueil et même de péché.

Le sens profond du discernement que possédait Newman  sur les questions de la vie spirituelle trouve son expression la plus complète dans un passage peu connu des Méditations et Dévotions où il s’interroge sur ce que nous devrions faire si nous voulons être parfaits. Sa réponse est aussi simple que sublime, et pourrait constituer un programme tout à fait approprié pour nous en ces dernières semaines de carême : « Si vous me demandez ce que vous devez faire dans le but d’être parfait, je dirais : d’abord, ne vous levez pas plus tard que ce qu’il convient ; que vos premières pensées soient pour Dieu ; rendez visite au Saint Sacrement ; récitez l’Angélus avec ferveur ; mangez et buvez à la gloire de Dieu ; récitez bien votre rosaire ; reprenez-vous ; écartez les mauvaises pensées ; faîtes une bonne méditation du soir ; faites votre examen de conscience quotidien ; aller au lit à une heure convenable, et vous êtes déjà parfaits. »

Trad. Mme Sylvie Roura

Avec la permission de « The Portal on-line Magazine www.portalmag.co.uk«